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. Procès Aïssa Ihich : compte-rendu de la deuxième journée d¹audience

Mercredi 5 décembre 2001. Procès Aïssa Ihich : compte-rendu de la deuxième journée d¹audience du procès en appel des policiers Jean Battistuta et Eric Mathelin, et du médecin Michel Pérol dans l¹affaire de la mort d¹Aïssa Ihich, 19 ans, asthmatique, mort en garde à vue au Commissariat de Mantes-la-Jolie, le 27 mai 1991
(rédigé par Brigitte Larguèze)

« Tout sera fait pour que la vérité soit faite »
(Déclaration d¹Edith Cresson, première ministre, aux parents d¹Aïssa, en mai 1991)


Forte présence policière lors du deuxième jour de ce procès en appel. Mais également une mobilisation importante des membres du MIB et la présence des observateurs du réseau contre « La fabrique de la haine ».
Le Président ouvre la séance en demandant à Madame Ihich de venir témoigner et de préciser les problèmes de santé de son fils ainsi que de faire le récit de la soirée où elle a vu pour la dernière fois son fils.

Madame Ihich fait alors un long témoignage bouleversant de dignité et de chagrin contenu, décrivant minutieusement les graves problèmes de santé d¹Aïssa et le lourd traitement thérapeutique auquel il était astreint depuis sa petite enfance. Ce traitement composé notamment de corticoïdes avait retardé sa croissance et il était un jeune homme frêle, pesant 45 kg pour 1,60 m. Il avait toujours sur lui un flacon de ventosité et avait même fabriqué une sorte de holster pour toujours le garder à portée de main.
Le Président puis l¹avocate générale lui posent des questions sur l¹incidence des corticoïdes, le nombre de flacons de ventoline utilisés par mois, combien de fois lui servait un flacon, son suivi médical, le nombre de visites chez le médecin chaque mois.

Madame Ihich raconte ensuite le déroulement de la soirée puis la suite de la garde à vue, l¹inquiétude de toute la famille sachant ses problèmes de santé, comment le père et la s¦ur se sont précipités au commissariat, les policiers qui ont refusés de donner le flacon de ventoline qu¹ils avaient apporté pour Aïssa. Puis elle décrit ce moment terrible où elle étreint pour la dernière fois son fils mort, découvrant un corps bleu d¹hématomes et trois contusions importantes sur le crâne : « Montrez-moi mon fils que je le serre dans mes bras pendant qu¹il est encore chaud, c¹est la seule chose qui me reste de lui ». Elle dit l¹absence de compassion des policiers et tous ces détails procéduriers affreux qui ne lui ont pas été épargnés et qui prennent alors tant d¹importance
Elle poursuit : « J¹ai perdu tout, mon fils, ma santé, moi maintenant je suis toute seule. Je ne veux pas d¹argent, je ne veux rien du tout, je veux mon fils. Il est mort pour rien. Pourquoi mon fils ? Il n¹a jamais rien fait. Il allait au lycée, il voulait devenir médecin, il travaillait le soir pour gagner de l¹argent. Jamais, il n¹a fait quelque chose de mal. Je ne pleure pas, je n¹ai jamais pleuré, je n¹arrive pas à pleurer. Monsieur le Juge, mon fils est mort, personne ne peut me le rendre mais rendez moi la justice ».

Sonia, la s¦ur d¹Aïssa est alors appelée à la barre. Son témoignage est aussi émouvant. Elle précise que quand il arrivait qu¹elle se dispute avec son frère, cela pouvait déclencher très rapidement une crise d¹asthme et qu¹elle avait été immédiatement très inquiète en apprenant son arrestation et qu¹elle a pressenti tout de suite les conséquences que cela pouvait entraîner sur la santé de son frère. Elle décrit l¹accueil hostile au commissariat, les insultes et les phrases désobligeantes : « Quand on est malade, on ne sort pas ! » et leur insistance pour laisser le flacon de ventoline. Elle savait que le stress et un climat anxiogène pouvaient déclencher une crise d¹asthme chez son frère : « Comme c¹était la première fois qu¹il était arrêté par la police, il était très impressionné et puis il savait que mon père serait très en colère d¹apprendre son arrestation, parce que chez nous ce sont des choses qui n¹arrivent pas ». Elle l¹a vu marchant avec difficulté, son survêtement blanc tout neuf de la veille, déchiré à plusieurs endroits et a pu lui adresser quelques mots : « Est-ce que ça va Aïssa ? » - « Oui, oui, ça va, ça va ». Elle poursuit son témoignage : « Je voyais bien que mon frère n¹allait pas bien dans sa façon de me répondre. On est parti en courant pour chercher les médicaments et quand on est revenu, il était mort . Je veux dire aussi que mon frère n¹était ni un peureux, ni une balance.(S) On a attendu 10 ans et je fais toujours confiance en la justice. Ma mère est très malade, moi-même je suis malade : après la mort d¹Aïssa, une sciatique paralysante s¹est déclenchée. Et puis mon père nous a quitté. (S) Je trouve injuste que l¹on frappe quelqu¹un en garde à vue. Il y a des lois, les enfants sont protégés. Quand les parents frappent leur enfant, ils vont en prison ».

C¹est ensuite la plaidoirie de Maître Leclerc qui débute par un hommage appuyé à la famille d¹Aïssa : « Cela fait plus de dix ans que j¹entend la douleur de cette famille et je constate que ce sont des gens admirables. On ne surmonte pas une affaire pareille mais c¹est une famille qui attend avec intelligence, des gens qui attendent la justice, qui respectent la justice ». Il évoque le père d¹Aïssa, ancien responsable syndical, « une homme qui savait parler » et qui était intervenu alors avec courage pour qu¹il n¹y ait pas d¹émeutes, qui est parti parce que « le face à face conjugal était devenu trop douloureux ». Il évoque la mort dans un accident de voiture du frère aîné : « Voilà des parents qui ont perdu leurs deux fils. Voilà une famille détruite ».
Il retrace le long et tenace périple judiciaire pour qu¹il y ait enfin un procès et la terrible inertie de l¹appareil judiciaire. Il relève toutes les incohérences, les mensonges, l¹absence de reconstitution de l¹arrestation d¹Aïssa (malgré ses demandes réitérées) qui a permis d¹entretenir le flou des témoignages et les contradictions non éclaircies entre policiers et CRS. Qui a porté les coups et à quel moment ? Il reprend le rapport d¹autopsie et la description des lésions observées. Il s¹étonne du fait que - parce que les CRS ont tous fait le même témoignage, conforté par autre policier présent au moment des faits ­ qu¹ils soient suspectés de s¹être entendus pour mentir. Alors qui sont les menteurs et pourquoi ? Pourquoi l¹enquête de l¹IGS n¹a pu établir qui mentaient ? Les policiers ? Les CRS ? Il constate que tous ont bénéficié d¹avancement dans leur carrière. Maître Leclerc : « Fallait-il attendre 11 ans pour entendre « acquittement au bénéfice du doute « ? Vous ne pouvez pas laisser cette affaire sans punition. Vous ne pouvez pas donner raison au mensonge ».

La parole est ensuite au Ministère public et la Procureuse va s¹attacher dans un long réquisitoire à dénoncer le verdict initial qui, en se basant sur le flou et l¹approximatif, a condamné en première instance des policiers « innocents » et demande la relaxe de ceux-ci. Pour ce faire, elle chargera le médecin Michel Pérol qui n¹a pas su, par négligence et par manque d¹éthique professionnelle, donner des directives précises aux policiers, directives que requérait l¹état de santé d¹Aïssa. Elle demande donc la confirmation de la peine (1 an avec sursis) du médecin.
Ont suivi les plaidoiries des avocats des deux policiers et celui du médecin.

Le jugement a été mis délibéré et sera communiqué en février 2002.

Brigitte Larguèze

 
 

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