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Charte du réseau contre la fabrique de la haine

 

Un vent mauvais souffle sur ce pays. Prenant prétexte d’épisodes meurtriers de la lutte contre le grand banditisme, s’appuyant sur une loi censée lutter contre le terrorisme, et opérant ainsi dès le départ un amalgame lourd de tous les dangers, une unanimité presque totale se dessine parmi le personnel politique en faveur d’un durcissement des législations et des pratiques d’exception (Loi sur la sécurité quotidienne, Plan Vigipirate renforcé, amendement restrictif de la Loi sur la présomption d’innocence…). Ce durcissement, sans précédent depuis la guerre d’Algérie, vise en particulier les jeunes des quartiers pauvres : couvre feu sélectif pour les mineurs, interdiction de regroupement des jeunes dans les halls des immeubles, peines de prison pour les fraudeurs des transports, pouvoirs de police accordés aux vigiles, sanctions financières et même pénales contre les parents de mineurs délinquants, remise en question de l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs et projet de réouverture des maisons de correction…

On invoque la « tolérance zéro » développée par le maire de New York et la politique répressive de Tony Blair, on parle désormais de « mieux punir ». On veut ignorer que le nettoyage social de New York s’est opéré au prix d’innombrables et meurtrières bavures et de l’interdiction de séjour des plus pauvres dans la ville. On tient pour négligeable tout ce que le blairisme représente de régression sociale. On s’aveugle sur l’énorme archipel carcéral que le « mieux punir » à l’américaine a produit, avec sa logique d’auto-reproduction et d’expansion exponentielle. Cette croisade sécuritaire, relayée par les principaux médias, est alimentée par les intérêts corporatistes des professionnels de la répression (police, gendarmes, gardiens de prison…) et nourrit en retour un véritable business de la sécurité, avec ses experts autoproclamés, son industrie et ses sociétés privées.

L’acquittement du policier Hiblot, qui a tué d’une balle dans la nuque le jeune Youssef qui ne l’avait jamais menacé, le réquisitoire-plaidoirie de l’avocate générale en faveur des policiers qui avaient tabassé le jeune Aïssa quelques heures avant sa mort, lors de leur procès en appel, l’insupportable délai de dix ans imposé pour juger ces deux affaires, cela et tant d’autres cas qui ne font jamais la une des journaux, attestent de l’impunité dont bénéficient les violences policières. Il faudrait pouvoir ajouter à ces faits judiciaires tout ce que représente, au quotidien, les attitudes de mépris, l’accumulation de comportements injustes, racistes et provocateurs, qui caractérisent les rapports des policiers avec cette fraction de la population qui habite les quartiers populaires. Ces deux affaires ne sont que la pointe émergée d’une énorme iceberg.

Cette justice, que l’on nomme par euphémisme « à deux vitesses », est en réalité une justice de classe : on punit lourdement les « outrages » et les « rebellions » mais on sanctionne beaucoup moins lourdement le non respect du droit du travail, la discrimination à l’embauche ou la délinquance politico-financière, qui est en pleine expansion. L’inégalité des jeunes des banlieues face à la police et à la justice reflète d’autres inégalités : dans l’accès au logement, à l’éducation, à l’emploi, à la santé, aux transports, etc. Ces inégalités sont une véritable violence faite aux habitants des quartiers populaires. La sécurité des personnes ne peut être arbitrairement séparée de la sécurité salariale, sociale, médicale ou éducative. De ce point de vue, la montée de l’idéologie sécuritaire n’est elle-même qu’un levier de la révolution conservatrice qui s’avance sous la bannière néo-libérale. La surenchère sécuritaire de la gauche gouvernementale poursuit un triple objectif : séduire les franges autoritaristes de l’électorat en réaffirmant au plan symbolique le rôle de l’Etat comme garant d’ordre, combler le déficit de légitimité causé par sa conversion à la vision néolibérale en matière économique et sociale, criminaliser la misère pour imposer la précarité aux jeunes prolétaires et les isoler en créant un climat de peur autour d’eux.

A l’inverse du discours sécuritaire, on ne peut assimiler les violences entre pauvres et les explosions de révolte contre l’Etat et ses représentants, en particulier lorsque des jeunes tombent sous les balles de la police. Même si ces émeutes sont trop isolées pour inverser les rapports de force, elles n’en sont pas moins une forme de résistance des quartiers à la misère et à l’injustice et elles bénéficient d’ailleurs souvent de l’approbation tacite d’une partie des habitants. Cette violence est un message politique que l’Etat s’empresse de dépolitiser parce qu’il n’a pas d’autres outils pour le traiter. Il faut enfin remarquer que ces révoltes violentes ont une histoire : elles sont nées sur les ruines du mouvement ouvrier et de ses appareils, mais elles sont aussi le résultat du laminage des mouvements issus de l’immigration dans les années quatre-vingt au profit d’un anti-racisme instrumentalisé par le PS via la création notamment de SOS Racisme, dont les fondateurs sont d’ailleurs aujourd’hui les héraults du sécuritarisme de gauche.

Nous sommes décidés à ne pas laisser le silence et l’opacité entourer cette guerre de basse intensité qu’une partie de la société française livre contre ses nouvelles « classes dangereuses ». Parce qu’elle est meurtrière, et aussi parce que cette guerre n’est que la forme aiguë de tensions qui nous concernent tous. Nous ne voulons pas vivre dans des « cités de la peur », entourées de vigiles et de caméras de surveillance, nous ne voulons pas que nos enfants aillent dans des écoles séparées, nous ne voulons pas d’une société liberticide et inégalitaire. Cette démarche suppose de sortir d’une position de simple indignation face aux dénis de justice et d’extériorité du type « c’est dur ce qui se passe dans les lointaines cités », même si le plus dur se passe effectivement souvent dans les banlieues (dans les cités mais aussi au travail et à l’ANPE, dans les transports, les écoles et les facultés). Nous avons tous dans notre vie sociale, politique ou professionnelle, des expériences qui touchent de près ou de loin aux différentes façons de « fabriquer la haine ». Nous voulons croiser ces expériences et les confronter en partant de nos pratiques, aussi différentes soient-elles, mettre en commun ces connaissances accumulées et en faire des armes. Nous voulons briser le mur que l’on édifie entre les jeunes des quartiers populaires et le reste de la société, aller dans les tribunaux où se dit l’inégalité du droit, dans les quartiers, aux côtés des victimes de violences policières et de ceux qui y résistent.

 

(texte adopté par l’Assemblée générale du réseau contre la fabrique de la haine le 29 janvier 2002).

RÉCIT DE MADAME IHICH
(interview donné à l'Echo des cités, journal du MIB)
"Mon fils est rentré du travail, il a posé ses affaires et m'a dit qu'il partait à la mosquée faire sa prière et après voir un de ses copains. Je me suis couchée. Je me réveille à 2 heures du matin, il n'était toujours pas rentré. Par la fenêtre, j'ai vu des bagarres avec la police. Je l'ai attendu jusqu'au matin. Son père est parti le chercher mais il ne l'a pas trouvé chez son copain. Comme il y avait des émeutes, son père est parti au commissariat, au cas où[...] suite
PROCES AISSA IHICH: compte-rendu de la première journée d¹audience

(Par Serge Quadruppani)

Bref compte-rendu de la première journée d¹audience du procès en appel des policiers Jean Battistuta et Eric Mathelin, et du médecin Michel Pérol dans l¹affaire de la mort d¹Aïssa Ihich, 19 ans, asthmatique, mort en garde à vue au commissariat de Mantes-la-Jolie, le 27 mai 1991
Sont présents une bonne douzaine de membres du M.I.B. et une demi-douzaine de membres du groupe d¹observation mis en place à partir du réseau " contre la fabrique de la haine "[...] suite

PROCES AISSA IHICH: compte-rendu de la deuxième journée d¹audience

(rédigé par Brigitte Larguèze)

« Tout sera fait pour que la vérité soit faite » (Déclaration d¹Edith Cresson, première ministre, aux parents d¹Aïssa, en mai 1991)
Forte présence policière lors du deuxième jour de ce procès en appel. Mais également une mobilisation importante des membres du MIB et la présence des observateurs du réseau contre « La fabrique de la haine »[...] suite

LA PARENTALITE ENTRE VIOLENCES POLITIQUES ET VIOLENCES URBAINES

Un texte de Fabienne Messica

L¹initiative prise par certaines municipalités, y compris par de grandes villes comme Strasbourg,, de décréter ce que les journalistes ont appelé ³ le couvre-feu ² pour les enfants de moins de 13 ans ou de moins de 16 ans vivants dans les ³ quartiers ² a fait l¹objet de maintes critiques[...] suite

UNE INTERVIEW DE LAURENT MUCCHIELLI

(parue dans "Strasbourg à gauche" n°10, envoyé par Philippe Breton)

Le débat sur la sécurité : une interview exclusive de Laurent Mucchielli
Strasbourg à gauche ! : Le débat sur la lutte contre la violence et l¹insécurité a beaucoup évolué ces dernières années. Vous évoquez notamment le ³ tournant symbolique ² du gouvernement Jospin. Que voulez-vous dire ? [...] suite

ETAT D'URGENCE PLANETAIRE

Un texte de François (Samizdat)

Depuis le 11 septembre 2001, l'instauration d'un état d'urgence anti-terroriste planétaire sert de prétexte à un renforcement du contrôle social et à la création d'un lourd arsenal répressif visant l'intimidation et la dissuasion de toute activité politique et sociale non alignée [...] suite

APPEL DE Joël ROMAN (revue ESPRIT)
Après le 11 septembre, une légitime émotion s’est emparée de tous. L’effroi suscité par la barbarie de ces attentats justifie que des mesures accrues de sécurité soient prises. Pour autant, il convient qu’elles soient appropriées. Or ce ne semble pas être le cas [...] suite
 
 

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